Coronavirus

4:05 PM Anthony 5 Comments


Ce post m'en rappelle un autre de 2010. A l'époque, il était indispensable de placer un autre mot: "Vuvuzela".

Depuis plus de deux semaines, Seattle est l'épicentre de la crise du coronavirus aux USA. Comment en sommes-nous arrivés là? La faute à pas de chance? Une mauvaise gestion des premiers cas? Non, la vigilance, l'intuition et la détermination de mes collègues virologistes, à Fred Hutch et à l'Université de Washington.

Chaque année, ils mènent une étude épidémiologique et génétique sur la grippe. A la mi-janvier, dès qu'un cas de coronavirus importé de Chine a été détecté dans la région, ils ont décidé de tester si les échantillons négatifs pour la grippe étaient porteurs du corona. Les autorités fédérales le leur ont défendu et les ont menacés de sanctions. Mais en bon scientifiques, ils ont persévéré, envers et contre tout, et il ne leur a fallu que quelques jours pour détecter un cas positif. Moins de 24 heures plus tard, le génome de ce virus était entièrement séquencé, et révélait sa quasi-identité avec le virus détecté en janvier. C'était la première preuve d'une dissémination locale du virus, et les analyses génétiques estimaient alors qu'il devait y avoir 400 à 600 cas dans la région.

Depuis, d'autres virus locaux ont été séquencés et ont démontré la propagation du virus aux alentours de Seattle. Ce même virus a aussi atteint un bateau de croisière, resté plusieurs jours en quarantaine au large de San Francisco.

Le clade de Seattle - En bleu et le virus chinois. En rouge, les cas de Seattle, dont le premier à la mi-janvier et tous ses descendants. En gris, le virus de "La Croisière s'amuse"

Il est maintenant certain que le même phénomène s'est produit, non-détecté, dans de nombreuses villes du pays. Rétrospectivement, les analyses génétiques révèlent une quinzaine de souches introduites indépendamment dans différents endroits du pays. Sur cette base, alors que 2500 cas ont été officiellement recensés aux USA, la génétique estime qu'il y en a entre 10000 et 40000.

Mais ce n'est pas tout! Tandis que les généticiens séquençaient à Seattle, les ambulanciers de Kirkland (par où je passais régulièrement à vélo l'été dernier) faisaient leurs comptes. Ils ont remarqué un nombre anormal d'appels venant d'un centre de revalidation pour personnes âgées. Souvent pour des difficultés respiratoires. Souvent pour des allers simples. Le virus avait atteint une population particulièrement vulnérable et était en train de la décimer... les premiers cas mortels aux USA.

A ce moment-là, le Président continuait à jouer au golf, prétendant que le virus était un hoax exploité par ses adversaires politiques et qui allait rapidement disparaître "par miracle". Mais à Seattle, la réponse se mettait un place. En l'espace de 48h, nous avions dû classer nos équipes en différentes catégories. Tous ceux dont le travail peut se faire à distance étaient cloitrés chez eux. Tous les voyages professionnels strictement interdits. Toutes les réunions annulées. En villes, les gros employeurs (Amazon, Microsoft, Google et Facebook en tête) prenaient des mesures similaires. L'Université de Washington (plus de 45000 étudiants) suspendait les cours. Puis c'était au tour des écoles de fermer leurs portes. Soudain, les rues ressemblaient à Chernobyl, quelques rares passants couvrant leur visage pour se protéger d'un danger insondable. Puis les supermarchés prenaient un air d'Allemagne de l'Est.

Depuis, l'Université de Washington continue de tester et de séquencer. Ils recrutent les étudiants pour effecter les tests en labo. Rien ne filtre, mais il se dit que les cas sont nombreux. Dans quelques jours, ils sauront si les mesures d'isolement permettent à la courbe des infections d'atteindre un point d'inflexion comme le prédisent les modèles mathématiques, ou si elle poursuit son inexorable progression exponentielle.



Et au labo? On reçoit les informations et instructions au compte goutte. Il faut planifier pour chaque scénario possible. Communiquer et rassurer malgré les incertitudes sur la situation et les inquiétudes de chacun. Il y a de moins en moins de monde dans les couloirs. Peu de collègues avec qui partager nos doutes et expériences. Mais on va surmonter. On a la chance d'avoir réagi 10 jours avant tout le monde, on s'en sortira donc probablement les premiers.

Alors pour garder l'esprit léger, je cours. Le semi-marathon de Vancouver auquel je m'étais inscrit a été annulé hier. Mais je continue ma préparation... pour rien... sauf pour ne pas devenir dingue. J'approche des 60 km d'entraînement hebdomadaire: aurait-ce été suffisant pour descendre sous les 90 minutes? Il faudra attendre une prochaine occasion pour le savoir.

Et vous, ce virus, comment le gérez-vous? Expliquez en commentaire!

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5 comments:

  1. Chez nous les collègues épidémiologistes nous ont bien expliqué l’intérêt d’aplatir la courbe et on même réussi à convaincre Di Rupo et De Wever d’aligner leur gestion de crise en transférant la gestion au Fédéral. Histoire que la Corona ne tourne pas en Mort Subite... écoles fermées dès lundi, cours de l’université passés en online only (avec Proximus qui augmente tous les forfaits data et offre les appels sur fixe gratuits), cafés fermés, ... seules les crèches restent ouvertes pour le moment. Les magasins d’alimentation sont aussi vides dans les quartiers populaires, un peu moins dans les quartiers chics ... mais les entrepôts sont pleins et le personnel des sièges est transféré dans les entrepôt en renforts. Le commerce en ligne va croître, les restos s’y mettent tous pour survivre à la fermeture obligatoire. 2020 sera aussi probablement la première année sans ski depuis longtemps. Et pour Olivier, pour le moment ça a un air de grandes vacances mais version binge watching. En attendant, toutes le reunions au boulot s’annulent et le télétravail risque bien de doper la productivité de certains ...

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  2. Merci Anthony pour cette vision de ce qui se passe à Seattle "de l'intérieur". Les échos que nous avons des USA sont tellement tronqués dans les médias et le président s'évertue tellement à mettre la faute sur les autres pays qu'il est toujours difficile de se faire une idée. Les scientifiques belges ont pourtant bien dit que leurs collègues américains étaient vraiment désespérés de chacune des "sorties" de leur président.

    Ici, les réactions de la population sont assez partagées, entre panique pour certains, raison responsable pour beaucoup et insouciance totale pour d'autres, qui, quoi qui se passe, ne vont quand même pas arrêter de faire la fête à cause d'un petit virus qui de toute façon ne les touchera pas puisque seuls les "vieux déjà malades" sont à risque...

    Ce n'est ici que le début d'une période particulière et de nouvelles habitudes doivent se mettre en place. Sentiment partagé aussi pour les enfants, contents de "vacances" imposées mais beaucoup moins contents de voir s'envoler aussi toutes leurs autres activités parascolaires. Beaucoup de parents se réjouissent certainement des longues semaines à occuper leurs enfants pleins d'énergie !

    Sur ce, prenez soin de vous!

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  3. Suzanne résume très bien la situation. Confinement, télétravail, la vie s'organise. Pour les enfants, pas facile non plus vu que toutes les activités sont supprimées, juste quelques jeux dans le jardin possible, par chance, il paraît que le soleil devrait revenir un peu.... Pour nous, le ski, c'est foutu, on suit l'évolution pour les remboursements ou les possibilités de postposer de 1 an le séjour. Bref, on s'organise et pour une fois, on sent quand même un petit élan de solidarité...
    Pour les parents non profs, je pense que dans quelques semaines, les congés de profs avec enfants ne seront plus vue de la même manière....
    Contente d'avoir de tes nouvelles et surtout des infos sur la situation chez vous.

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  4. Merci pour cette vision de l'autre continent. Ici on s'organise aussi pour faire du télétravail, en alternance papa/maman. On a défini un horaire pour que les enfants sachent à quoi s'en tenir. Les créneaux "jeu libre dehors" s'alternent avec "travail pour l'école", "lecture", "potager"... Et ça roule jusqu'à présent. On créait nous même des choses à faire pour l'école mais depuis ce jeudi, l'instit de Martin a installé une table sous le préau où on doit aller prendre des feuilles et remettre celles complétées dans l'enveloppe à son nom... Les instits primaires ne sont pas encore à l'informatique !!(ou ont peur que certains parents ne le soient pas encore...). Bon comme l'école est à 1km, c'est l'occasion d'une balade à pied et chouette car moins d'autos sur la route.
    A l'unif de Liège, les informaticiens travaillent d'arrache-pied pour fournir les outils nécessaires pour l'enseignement en ligne d'une part et le télétravail d'autre part. Tout était saturé les premiers jours (dire qu'on n'avait que 500 connexions VPN simultanées avant !). C'est une bonne occasion d'avancer dans le domaine. Mon chef n'a jamais été pour le télétravail. Alors qu'il nous laisse d'habitude une grande autonomie, ici il nous envoie des mails tout le temps et demande qu'on indique sur quel dossier on travaille. Or, sans toutes les réunions et les collègues qui entrent dans le bureau tout le temps, l'efficacité est nettement meilleure !

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  5. Hello Anthony. Merci pour les nouvelles :)
    Comme les autres l'ont expliqué, c'est une autre vie, une autre organisation. J'ai la chance de pouvoir faire du télétravail et de bosser efficacement. Chez Fortis, on a atteint les 8500 connexions jeudi et le réseau tient le coup. Avec les filles pas de soucis, elles sont autodisciplinées et font leurs devoirs à distance. En dehors de ça elles s'occupent.
    Ca fait 1 semaine que je n'ai plus vu quelqu'un de l'extérieur, sauf Stef...C'est étrange...
    Ce qui me fait peur, ce sont les gens qui n'en n'ont rien à foutre...j'hallucine, je savais qu'il y avait beaucoup de cons sur cette terre, mais pas autant!! Courage à tous!!

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