Chaque année à Yale, lors de la retraite du labo, on recevait le T-shirt officiel du Flavell lab. Une année, on y avait apposé le slogan "Pushing scientific boundaries since 1974": repousser les frontières de la science, depuis 1974.

Ce slogan est ensuite devenu une manière de nous motiver entre nous. Quand on voyait l'un de nous galérer sur la plus impossible ou la plus interminable des manips, on lui demandait: "Tu repousses les frontières?"

Yep, repousser les frontières, c'était notre métier.

Parfois ici, j'ai des journées vraiment pourries. Plus pourries que la pire des manips à Yale. Ce matin par exemple: réunion désastreuse, calamiteuse, affligeante avec la postdoc. A peine terminée, je reçois un email m'annonçant que je suis "aléatoirement" sélectionné pour un audit externe de mon utilisation de souris. Typique de Seattle, c'est notre propre Institut qui nous fait ça, de leur propre initiative, pour être certain qu'on respecte bien toutes les règles. En octobre bien sûr, le mois où il faut soumettre toutes les demandes de financement!

A cause des 9 heures de décalage, je ne peux pas dans ces cas-là vous skyper pour me passer les nerfs. Alors la seule chose que je puisse faire, c'est me dire que je suis en train de repousser les frontières. Les frontières de quoi, je ne sais pas exactement, de la science j'espère, et ils ne vont pas m'empêcher de les repousser.

Le cancer du sida ne perd rien pour attendre, Parkinson non plus.