Et le vaccin, c'est pour quand?

11:04 AM Anthony 2 Comments


Un vaccin est probablement la seule manière de nous sortir pour de bon de ce merdier. Alors, comment on fait pour développer un vaccin? Il va nous falloir 2 posts.

Le vaccin exploite le principe de la mémoire immunitaire. Notre système immunitaire peut reconnaître et éliminer à peu près n'importe quel pathogène. Mais ça lui prend un peu de temps, une semaine environ. Ensuite, si ce même pathogène se représente plus tard, le système immunitaire le reconnaît et est cette fois prêt à répondre à pleine force en un instant... le pathogène n'a aucune chance. C'est pour ça qu'on a la varicelle une fois dans notre vie, pas deux. Le vaccin consiste à induire la mémoire immunitaire mais sans la première maladie. C'est ce que nous avons appris à l'école primaire.

Comment teste-t-on un vaccin dans une souris? C'est facile. On prend 12 souris: 6 d'entre elles reçoivent le candidat vaccin, 6 autres sont gardées comme "contrôle négatif". On attend un mois au moins, puis on infecte toutes nos souris avec le pathogène. On utilise une dose qui rend les souris contrôle malades ou les tue ("pattes en l'air"). Si le vaccin fonctionne, les souris vaccinées ne présenteront aucun signe de maladie ("pattes en bas").

Et chez les humains? Il fût un temps où on faisait la même chose. Au début du 20ème siècle, Edward Jenner a développé le premier vaccin, contre la variole, en traitant un jeune garçon avec son candidat vaccin. Il a utilisé le virus de la variole de la vache. Puis il a infecté le garçon avec le virus de la variole humaine... c'était la première démonstration de l'efficacité d'un vaccin. Jenner, ce génie, ce héros de la science, était tellement sûr de lui qu'il a osé mettre en danger la vie d'un enfant. Mais l'histoire n'a pas retenu toutes les autres tentatives, ni ce qu'il est arrivé à ces "humains de laboratoire". Ethiquement, disons que c'était une autre époque. Si des chercheurs utilisaient la même méthode au 21ème siècle, ils iraient tout droit en prison.

Aujourd'hui, un vaccin est testé dans un test clinique, en 3 phases, pour s'assurer que le vaccin sera à la fois sûr et efficace. Et ça prend du temps!
- Phase 1: quelques (dizaines de) volontaires reçoivent une dose minime. Puis cette dose est progressivement augmentée. On arrête dès qu'apparaît le premier effet secondaire. Le seul but de cette phase est de s'assurer que le vaccin ne sera pas dangereux.
- Phase 2: on augmente la taille de l'échantillon à quelques centaines de personnes, à nouveau pour s'assurer de la sécurité du vaccin et, peut-être, commencer à voir un effet du vaccin sur le taux d'infection par rapport au reste de la population.
- Phase 3: c'est là que les choses deviennent vraiment intéressantes. Des milliers de personnes, représentatives de toute la population, réparties en deux groupes. Pas question d'avoir plus de jeunes, de vieux, d'hommes, de femmes, d'Africains, d'Asiatiques, d'Européens, de chauffeurs de bus, de banquiers, de diabétiques, de fumeurs, ... dans un groupe que dans l'autre. Les deux groupes doivent être aussi identiques que possible. Et personne ne sait qui fait partie de quel groupe, tout se fait en "double aveugle". Un groupe reçoit le vaccin, l'autre groupe reçoit un placebo. Puis on les laisse aller vivre leur vie pendant plusieurs mois, période pendant laquelle tout le monde aura le même risque d'être exposé au virus. Un protocole de suivi très strict est mis en place, afin de déterminer de manière parfaitement objective qui est infecté et qui ne l'est pas. Et au bout de la phase 3, les biostatisticiens font leur taf. Ils décodent les groupes, et déterminent si le groupe qui a reçu le vaccin a été protégé par rapport au groupe placebo.
Alors, seulement, un vaccin peut postuler pour être approuvé par les autorités en charge, puis la production et la campagne de vaccination pourront être lancées. Si tout ça se fait en 12 à 18 mois, ce sera certainement un temps record!

Mais nous sommes en période de crise, peut-on accélérer les choses? Prendre quelque raccourci?
Non!
Car les tests peuvent révéler qu'un candidat vaccin est toxique. Ou qu'il n'est pas efficace. Ou, pire, qu'il augmente le risque d'infection ou la sévérité de la maladie. Tout ça s'est déjà produit! On ne peut pas prendre ce genre de risque... surtout pas à l'échelle de la population mondiale.
La seule chose qu'on peut faire pour gagner du temps, c'est produire massivement chaque candidat vaccin pendant que la phase 3 est en cours. Comme ça si le vaccin fonctionne, on est prêt. Mais le coût est énorme.

Ca paraît simple comme ça, mais il y a beaucoup de subtilités. Un principe fondamental, c'est qu'il ne faut jamais faire pire que mieux.
Dans le cas d'un traitement contre le cancer, il faut d'abord épuiser tous les traitements qui ont une chance démontrée d'être bénéfique pour le patient. Donc ce qu'on demande au test clinique à ce moment-là, c'est pratiquement un miracle puisque le patient est souvent à l'article de la mort. Il est probable que beaucoup de tests fonctionneraient mieux sur des patients moins avancés. Mais éthiquement, c'est difficile à tester.

Pour un vaccin, c'est l'inverse. On traite une personne qui est en parfaite santé, et aucun effet secondaire n'est donc toléré. Même si un peu d'audace pourrait accélérer la manoeuvre, on ne joue pas au cow boy avec des gens en pleine santé.

Et peut-on réutiliser la même recette que pour le vaccin contre le premier SARS? Non, car on n'a pas de vaccin contre le premier SARS. Pourquoi? Parce que le virus a disparu donc on n'a jamais eu l'occasion de tester un vaccin dans la vrai vie.

Et puis avant de tester un candidat vaccin, il faut l'avoir développé. Simple en principe, plus compliqué en pratique. On en parle demain.

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2 comments:

  1. Super instructif, merci ! Et après, tu pourrais m'aider à comparer les tests de diagnostic ? Ceux de l'Unif de Liège sont-ils vraiment meilleurs que ceux de l'UNamur ? On utilise la PCR mais quid de Namur ? https://www.uliege.be/cms/c_11676883/fr/l-universite-de-liege-met-au-point-un-test-automatise-de-detection-du-covid-19-qui-permet-la-realisation-de-milliers-de-tests-supplementaires-chaque-jour ;-)

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  2. Enfin! des explications claires et fiables. Merci anthony pour ton blog. Plus besoin d'écouter les politiciens et les journalistes!

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